Frédéric Moreau de Bellaing

THE WAITING ROOM

Notes

le long terme

2017, je m'engage sur une route inattendue. En juillet, je commence à photographier le collectif "La Voix des sans-papiers" et, en novembre, je deviens le photographe de la Plate-forme citoyenne de soutien aux réfugiés.

Dès le départ, ma démarche est de transmettre la sensation d'avoir vécu un moment chaleureux en compagnie des personnes photographiées. 

Au fond de moi, je cultive l'espoir que ces photos agissent comme de petites graines plantées dans le champ émotionnel du spectateur. Des graines qui éveilleront sa conscience lorsqu'il sera à nouveau confronté aux questions des migrations.
Peut-être, alors, sa réaction dépassera-t-elle l'émotion cathodique éphémère.
Et peut-être, alors, son indignation qui, jusqu'ici, n'était qu'écume de surface, prendra l’ampleur d’une véritable lame de fond ! 

Mais comment respecter le désir de discrétion de ces humains sans existence légale et, en même temps, donner à voir une forme d'intimité qui touche émotionnellement le spectateur ? 

Deux éléments de réponse me sont apparus comme essentiels au fil du temps : d'une part travailler dans la durée pour construire la confiance nécessaire et indispensable et d'autre part développer un langage photographique particulier. 

Les images que vous découvrirez ici découlent indéniablement de ces deux points. 

CInq années consacrées en majeure partie à ce sujet  m'ont permis de construire un véritable rapport de confiance. J'ai toujours affirmé, assumé et parfois, même, revendiqué ma position de photographe. Ne pas "faire partie des meubles" et, au contraire, être reconnu comme "le photographe".  Et, surtout être accepté comme tel. 

Ce rapport franc et direct est aussi ce qui m'a permis de développer un regard personnel. Une fois réellement accepté avec mes appareils photos, j'ai gagné une liberté exceptionnelle : liberté de mouvement, liberté de pensée et liberté de regard. Ma distance au sujet, ma position, souvent incongrue, et le temps passé l'oeil collé au viseur ne posent plus question. J'ai donc pu me concentrer sur ce que je voyais, sur ce que je voulais montrer et surtout comment le montrer.

mur "photos" dans la chambre de Modou (VSP)

le corps en dit long

Ce projet photographique m'a poussé à dépasser le cadre habituel. Chaque fois remettre en question l'approche qui fonctionne pour la photo d'aujourd'hui, mais qui ne donnera plus ce même effet demain...

Un  défi constant pour le regard, de la matière à penser, sans temps morts.
Et parfois une image qui résume, qui rend tangible des sentiments intenses qu'ils soient durs ou tendres, beaux ou violents.

Ces cinq années de travail avec les sans-papiers m'ont enrichi comme jamais. Tant sur le regard photographique que sur le fond.

Tout le pari étant, pour moi, d'arriver à traduire ce ressenti. Et si quelques-unes de ces photos pouvaient vous toucher autant que je l'ai été, tout cela n'aura pas été vain.